Décryptage

Asap : ce que contient le projet de loi définitivement arrêté

Après un passage réussi en commission mixte paritaire (CMP) le 21 octobre, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique sera voté solennellement les 27 et 28 octobre dans les deux chambres. Décryptage des mesures phares en matière de marchés publics et d'environnement, désormais actées – sauf intervention du Conseil constitutionnel.

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Asap
Ce que prévoit le projet de loi Asap définitivement adopté.

La loi Asap comporte tout d’abord une série de dispositions relatives aux marchés publics, qui ont été introduites par amendement lors de la première lecture devant les députés, à la suite de l’ouragan Covid-19.

Circonstances exceptionnelles

A cet égard, la seule modification de texte entre la version adoptée par l’Assemblée nationale et la version issue de la CMP concerne la création d’un nouveau livre dans le Code de la commande publique contenant des dispositions applicables en cas de circonstances exceptionnelles (art. 132).

Pour mémoire, ces dispositions sont issues d’un amendement du gouvernement adopté en commission spéciale. La nouvelle version est plus détaillée et indique : « Lorsqu’il est fait usage de prérogatives prévues par la loi tendant à reconnaître l’existence de circonstances exceptionnelles ou à mettre en œuvre des mesures temporaires tendant à faire face à de telles circonstances et que ces circonstances affectent les modalités de passation ou les conditions d’exécution d’un marché public, un décret peut prévoir l’application de l’ensemble ou de certaines des mesures du présent livre aux marchés publics en cours d’exécution, en cours de passation ou dont la procédure de passation n’est pas encore engagée. »

En outre, la durée d’application de ces mesures exceptionnelles est encadrée. Elle ne peut excéder vingt-quatre mois et une éventuellement prolongation doit être, le cas échéant, autorisée par la loi.

Seuil à 100 000 euros pour les marchés de travaux

Le relèvement du seuil des formalités de passation des marchés publics de travaux à 100 000 euros a survécu à la CMP. Cette mesure a été introduite par un amendement des députés lors de la séance publique. Cette disposition n’est toutefois applicable « qu’aux lots qui portent sur des travaux et dont le montant est inférieur à 100 000 euros hors taxes, à condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots ». Elle est par ailleurs temporaire puisqu’elle prendra fin le 31 décembre 2022 inclus.

Marchés réservés

Il y  avait peu de doute concernant le maintien de l’amendement déposé par les députés en séance publique au sujet des marchés réservés. Pour rappel, actuellement l’article L. 2113-14 du Code de la commande publique interdit expressément qu’une même procédure soit réservée à la fois aux entreprises adaptées (EA) et établissements et services d'aide par le travail (Esat) d’une part et aux structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) d’autre part. L’amendement confirmé en CMP supprime ce caractère exclusif.

Motif d’intérêt général

C’est sans conteste la mesure qui a le plus fait réagir dans l’écosystème de la commande publique. Celle ajoutant l’intérêt général comme cas de recours à un marché de gré à gré. La Direction des affaires juridiques de Bercy a même dû apporter des précisions en expliquant que l’objectif de l’amendement adopté par les députés est d’ajouter les motifs d’intérêt général parmi les hypothèses permettant au gouvernement d’intervenir. Et qu’en aucun cas, il n’est question de permettre aux acheteurs publics de décider eux-mêmes de déroger aux procédures en fonction de leur propre appréciation de l’intérêt général à un moment donné. Cette mesure a donc été confirmée par la CMP.

Entreprises en difficultés et marchés globaux

Prises par le même amendement du gouvernement, deux autres mesures ont franchi la dernière étape du parcours parlementaire. Il est tout d’abord précisé expressément que les entreprises qui bénéficient d’un plan de redressement sont autorisées à se porter candidates à un marché public. Par ailleurs, l’obligation de réserver une partie de l’exécution aux PME et artisans est étendue à tous les marchés globaux (comprenant les marchés de conception-réalisation, les marchés globaux de performance et les marchés globaux sectoriels). Cette disposition ne concernait jusqu’à présent que les marchés de partenariat.

Autres mesures « commande publique »

Parmi les autres mesures confirmées par la CMP, il faut noter l’extension aux marchés conclus avant 2016 du dispositif de modification des contrats en cours d’exécution. De plus, concernant la Société du Grand Paris (SGP), le périmètre des marchés globaux est élargi pour la construction et la valorisation immobilière de projets connexes au Grand Paris Express (article L. 2171 6 du Code de la commande publique). Enfin, un amendement adopté en commission spéciale autorise le recours aux marchés de conception construction pour les infrastructures de transport de l’État. Juridiquement, c’est un ajout à l’article L. 2171 4 du Code de la commande publique.

Les mesures « environnement » des députés confirmées

Sur le volet très controversé du droit de l'environnement (titre III de la loi), dont l'objectif est d'alléger les lourdeurs administratives pour stimuler les relocalisations sur les territoires, la CMP a validé la rédaction de plusieurs articles votés par les députés en séance. Il en est ainsi de l’article 44 (ancien art. 21) tout d’abord qui tend à faire bénéficier les projets en cours d’instruction des délais impartis aux installations existantes pour se conformer aux nouvelles prescriptions en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). L’objectif est de « stabiliser le cadre juridique et éviter que l’application automatique de nouvelles règles du Code de l’environnement à des projets d’installations dont le dossier est déjà déposé ne conduise à un allongement des délais de réalisation », expliquait Guillaume Kasbarian, rapporteur du texte pour l’Assemblée, lors des débats en séance publique.

L’article 37 (ancien art. 23) sur l’actualisation des études d’impact des projets subordonnés à la délivrance de plusieurs autorisations (art. L. 122-1-1 du Code de l’environnement) a également été définitivement acté. Il prévoit qu’en cas d’évolution du dossier, l’avis de l’Autorité environnementale (Ae) qui est à nouveau sollicitée ne pourra pas revenir sur les éléments déjà autorisés. En outre, les prescriptions nouvelles qui seront fixées ne pourront porter que sur ce qui fait l’objet de la demande concernée, et en cas de procédure d’autorisation environnementale, la consultation de l’Ae vaudra à la fois pour cette procédure d’autorisation et pour le mécanisme d’actualisation de l’étude d’impact.

De la même manière, sont définitivement adoptés dans leur rédaction de l’Assemblée nationale, l’article 44 (ancien art. 25) du texte qui permet au préfet de choisir entre une enquête publique et une procédure de participation du public par voie électronique pour les projets soumis à une procédure d’autorisation, mais ne devant pas faire l’objet d’une évaluation environnementale, l’article 56 (ancien art. 26) relatif au démarrage anticipé des travaux et au transfert partiel d’autorisation environnementale et l’article 57 (ancien art. 27) sur les sites et sols pollués.

Compromis sur la démocratie environnementale

Par ailleurs, les parlementaires ont trouvé un compromis sur les dispositifs de démocratie environnementale. Ainsi, l’article 39 (ancien art. 23 bis), qui vise « à parfaire l’articulation entre les codes de l’environnement et de l’urbanisme », instaure un droit d’option pour le porteur de projet qui pourra choisir de soumettre l’ensemble du projet à la concertation prévue au Code de l’environnement (art. L. 121-15-1). Cette concertation vaudra alors concertation obligatoire au titre du Code de l’urbanisme (art. L. 103-2) si l’autorité chargée d’organiser la concertation du Code de l’urbanisme donne son accord.

L’article 40 (ancien art. 23 ter) clarifie, quant à lui, les règles relatives à la participation du public et à l’évaluation environnementale en droit de de l’urbanisme. Ainsi, il ajoute les plans locaux d’urbanisme (PLU) à la liste des plans et programmes faisant l’objet d’une évaluation environnementale systématique (art. L. 104-1 du Code de l’urbanisme). Et les supprime logiquement de celle des documents qui couvrent de « petites zones » et ne font pas systématiquement l’objet d’une évaluation environnementale (art. L. 104-2).

Prérogatives des collectivités renforcées

Par ailleurs, l’article L. 121-18 du Code de l’environnement relatif aux déclarations d’intention que doivent publier les maîtres d’ouvrage pour permettre d’exercer leur droit d’initiative en matière de concertation préalable a été réécrit par la CMP (art. 43 - ancien art. 24 bis). La nouvelle rédaction du texte, à l’initiative du Sénat, vise à préserver et renforcer les prérogatives des collectivités territoriales en imposant à l’autorité compétente pour autoriser le projet, d’informer le « noyau dur » que sont les régions, départements et communes concernés par la déclaration d’intention. Ce n’était jusqu’à présent qu’une faculté. Ce caractère facultatif est toutefois maintenu pour les autres collectivités territoriales.

Quant à la mesure contestée de réduire de quatre à deux mois le délai permettant, entre autres, aux citoyens concernés par un projet ou un plan et programme de se saisir de leur droit d’initiative, elle a finalement passé le cap de la CMP avec brio.

Procédures accélérées pour les énergies renouvelables

Les dispositions permettant d’accélérer le développement des énergies renouvelables sont également validées. Sur le volet éolien en mer, le texte commun (art. 55 - ancien art. 25 ter) précise toutefois « explicitement que la phase de dialogue concurrentiel de la ou des procédures de mise en concurrence ne peut démarrer avant la communication du bilan de la participation du public, et que c’est après communication de ce bilan que le ministre chargé de l’énergie décide du principe et des conditions de la poursuite de la procédure de mise en concurrence », indique Daniel Gremillet, rapporteur du texte pour le Sénat.

Et pour réduire le traitement des contentieux, le texte confirme la compétence du Conseil d’Etat en premier et dernier ressort pour connaître des litiges relatifs à l’éolien en mer. Rappelons qu’aujourd’hui, c’est la cour administrative d’appel de Nantes qui est compétente (art. R. 311-4 du Code de justice administrative).

Procédures rationalisées pour les infrastructures de transport

Enfin, la sortie des projets d’infrastructures de transport terrestre situés en site patrimonial remarquable ou aux abords de monuments historiques du champ d’application du permis d’aménager est confirmée (art. 38 - ancien art. 23 bis A). Pour les députés, cette autorisation « n’a[vait] pour seul intérêt que de recueillir l’avis de l’ABF, au titre des articles L. 621-32 et L. 632-1 du Code du patrimoine ». La consultation de l’ABF sera alors intégrée au sein de la procédure d’autorisation environnementale (art. L. 181-1 et s. du Code de l’environnement). Le porteur de projet n’aura donc qu’une seule procédure à faire avec un seul interlocuteur au lieu de deux. Le texte commun cible uniquement « les autorisations délivrées par l’État pour son compte ou celui de ses établissements ou concessionnaires, ainsi que pour le compte d’États étrangers ou d’organisations internationales ». A noter que cette mesure nécessitera une modification de la partie réglementaire du Code de l’urbanisme.

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