Le gouvernement a pris plusieurs mesures pour faire face à l’urgence à reconstruire les bâtiments dégradés ou détruits lors des émeutes qui se sont produites entre le 27 juin et le 5 juillet 2023. Avec l’ordonnance du 26 juillet prise sur le fondement d'une loi promulguée la veille, il a notamment autorisé les acheteurs à conclure sans publicité, mais avec mise en concurrence préalable, les marchés de travaux strictement nécessaires à cette reconstruction. Cette dispense est applicable aux marchés d’un montant allant jusqu’à 1,5 million d’euros.
Un plafond trop bas
Ce n’est toutefois pas suffisant, estime Benoit Jimenez, maire (UDI) de Garges-lès-Gonesse (95). Dans un courrier adressé mardi 5 septembre à la première ministre Elisabeth Borne, que « Le Moniteur » s'est procuré, il appelle à relever ce seuil jusqu’à 3 millions d’euros HT. Cette augmentation permettrait à la commune « d’agir sans délais et gagner un temps précieux » pour la reconstruction de son hôtel de ville, détruit partiellement dans un incendie. Il fait état d’un gain de temps de près de trois mois, alors que la mairie fonctionne aujourd’hui en mode dégradé et que les experts prévoient une durée des travaux comprise entre 12 et 18 mois. Le coût de ces derniers est évalué à environ 3 millions d’euros HT, mais le chiffrage reste susceptible d’évoluer.
Pour Gulseren Ekici, adjointe au maire en charge notamment des marchés publics, « cette demande va dans le sens de la loi du 25 juillet » dont l’objet était d’accélérer la reconstruction des bâtiments touchés par les émeutes, en autorisant le gouvernement à assouplir les procédures en matière de marchés publics et d’urbanisme. Si elle salue la réactivité de l’exécutif, elle craint que « cette loi reste inefficace », faute d’adapter les dérogations « à la réalité du préjudice de chaque commune ».
Les dérogations ne permettent pas d’assurer la reconstruction de la mairie
Benoit Jimenez observe ainsi dans son courrier qu’aucune des « dérogations permises par la circulaire du 5 juillet et l’ordonnance du 26 juillet dernier […] ne semblent applicables à l’hôtel de ville de Garges-lès-Gonesse ». Pour mémoire, la circulaire mentionnée est venue rappeler les mécanismes déjà existants dans le Code de la commande publique (CCP). En particulier elle cite l’urgence impérieuse (article R. 2122-1 du CCP) qui permet de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalable mais dont les conditions d’application sont très restrictives. Ce dispositif semble difficilement mobilisable pour des travaux de reconstruction ou de réparation complète d’un bâtiment.
Le relèvement du seuil : une demande des élus dès les débats sur le texte
Face à l’urgence, Gulseren Ekici espère une réponse rapide du gouvernement sur un sujet déjà discuté lors des débats devant le Parlement à l’occasion de l’adoption de la loi du 25 juillet. Comme le rappelle Benoit Jimenez, « l’Association des maires de France avait [déjà] préconisé un seuil de 3 millions d’euros HT, correspondant aux remontées et réalités du terrain, notamment dans un contexte d’inflation ayant fait exploser les coûts des matériaux et de la construction ».
Toutefois, le gouvernement soulignait dans l’étude d’impact de la loi que la fixation de ce seuil devait tenir compte des règles de l’Union européenne. Première limite, le plafond doit « nécessairement être inférieur au seuil européen [de procédure formalisée, fixé à 5 382 000 euros hors taxes] ». Seconde limite, il doit aussi être « déterminé de façon à ce que les marchés concernés ne puissent être regardés comme présentant un intérêt transfrontalier certain, c’est-à-dire comme étant susceptibles d’intéresser des opérateurs économiques situés dans un autre pays de l’Union européenne. » En effet, en vertu du principe de non-discrimination, de tels marchés sont soumis à une obligation de transparence et donc de publicité. Il n’existe pas de critère pour déterminer l’existence d’un intérêt transfrontalier mais celui-ci peut être reconnu notamment en considération de l’importance économique du marché.